7 mars 2025

Hilary Romaniuk est stagiaire au bureau d’A49 d’Ottawa. En tant que jeune diplômée qui fait ses premiers pas dans l’industrie, elle a une tonne de choses à apprendre. Mais l’arrivée de nouvelles voix telles que la sienne apporte aussi son lot d’avantages, notamment pour faire de la conception inclusive une pratique courante.
La passion d’Hilary rejoint celle de nos équipes de conception à travers le pays qui continuent à œuvrer en faveur de la justice spatiale dans chaque secteur de l’environnement bâti. Des projets comme l’hôpital de Winnipeg pour femmes, le centre de guérison de l’Ontario Native Women’s Association et les établissements d’éducation modernes d’A49 mettent ce concept de l’avant.
Comme elle le fait remarquer, « le sujet du féminisme en architecture et en conception est indissociable des conversations sur l’accessibilité, la race, la neurodivergence, les relations avec les Autochtones et l’inclusion des personnes queers. Ce sujet est plus largement appelé justice spatiale, car nous pratiquons la justice sociale par l’intermédiaire de la conception et de la critique des espaces. »
Les femmes et les membres de groupes minoritaires sont confrontés à des risques au quotidien. Cela change la relation de ces personnes avec l’environnement bâti. Pour les concepteurs et conceptrices, cet aspect ouvre la porte à des discussions qui éveillent l’espoir de changements et d’espaces inclusifs, sécuritaires et accessibles à tout le monde, sans égard au genre.
Hilary s’intéresse au concept d’égalité véritable pour les femmes depuis son enfance. Pour elle, la possibilité d’associer sa passion pour l’architecture à celle pour le féminisme ne nourrit pas que son intérêt personnel, elle lui permet de faire pencher la balance vers un choix qui s’impose dans les pratiques de conception modernes. Frustrée de l’inégalité qui existe encore aujourd’hui, Hilary a orienté sa carrière afin de pouvoir se pencher sur les aspects des espaces publics actuels qui font que les femmes vivent couramment des situations dangereuses, et faire partie de la solution.

CONCRÉTISER LE CONCEPT
Deux têtes valent mieux qu’une et ce sont les discussions de l’équipe sur de nouvelles perspectives qui ouvrent la porte à l’atteinte d’une conception inclusive. Hilary se rappelle que dès ses premiers mois chez A49, ses idées étaient bien accueillies. De simples conversations informelles lors de visites de sites et des discussions tenues à la salle à manger ont permis de donner une nouvelle forme à la conception des projets. À titre d’exemple, un des projets de l’équipe devait intégrer quatre petites salles de réunion pouvant accueillir deux personnes chacune. À l’origine, les salles devaient se trouver au fond d’un couloir et n’offraient qu’une visibilité limitée. De simples discussions sur la sécurité ont permis de trouver sans problème une solution, améliorant par le fait même la conception. « Nous avons décidé d’accroître la visibilité dans ces petites pièces et de veiller à ce qu’il y ait deux voies de circulation afin que personne ne se sente jamais coincé », a expliqué Hilary.
Dans le cadre d’un autre projet, l’équipe a été mandatée afin de repenser l’accessibilité des salles de bain et d’en ajouter d’autres. Hilary a expliqué ceci : « Au lieu d’ajouter des salles de bain pour femmes avec des cabinets “standard”, nous avons plaidé pour des toilettes neutres avec un trajet circulaire. Ceci favorise l’inclusion des personnes transgenres, bispirituelles et de genre non conforme, alors que le trajet circulaire permet de s’assurer que personne ne se sente coincé et donc en danger. »
Ces efforts de nos équipes ne sont que quelques exemples de tout ce qu’A49 fait pour la justice spatiale.
CHANGER LA CONCEPTION EN S’APPUYANT SUR DES EXPÉRIENCES VÉCUES
Pour quelqu’un ayant le privilège de se sentir en sécurité, indépendamment de l’environnement bâti, l’idée de penser activement à la sécurité peut être difficile à concevoir. Mais pour une personne qui n’a pas ce privilège, la sécurité est toujours prioritaire dès qu’elle se trouve dans un espace public. Pendant qu’elle rédigeait sa thèse, Hilary a organisé un atelier communautaire durant lequel les femmes devaient effectuer un exercice de cartographie corporelle. L’objectif était d’indiquer quelles parties de leur corps pouvaient être mises en cause lorsqu’elles se trouvaient dans un endroit public. Hilary a précisé : « le simple fait d’être une femme me pousse à réfléchir aux endroits où je vais marcher le jour, mais aussi la nuit, aux endroits où je vais faire mes courses, à la manière dont je me déplace, à la façon dont je m’habille et à ce que je vais avoir dans les mains. »
Parmi les participantes à l’atelier, plusieurs ont indiqué garder toujours une main libre pour « pouvoir se défendre », éviter de porter des écouteurs pour demeurer conscientes de leur environnement ou encore mémoriser leur trajet d’avance afin d’éviter de paraître vulnérables. Ce qui ressort d’un atelier comme celui-ci, c’est à quel point il est normalisé pour les femmes de prendre des précautions pour se protéger physiquement lorsqu’elles se trouvent dans des espaces publics. « L’atelier m’a juste confirmé l’idée selon laquelle toutes les femmes vivent des expériences semblables et que les gens qui ne vivent pas de telles situations ignorent totalement à quel point c’est courant. Le fait de se sentir en danger transforme complètement notre manière d’agir dans une ville. »
Notre métier nous donne la chance de concevoir des espaces qui rehaussent les expériences. Bien que nos idées s’articulent d’abord autour de sujets tels que la sécurité, nous pouvons aller beaucoup plus loin que ça. Par exemple, une conception pensée en fonction d’un traumatisme qui redonne de l’autonomie à la personne. Une conception résidentielle qui favorise l’égalité des genres à la maison. Ou alors, des environnements de travail démocratiques qui atténuent la ségrégation fondée sur la hiérarchie et favorisent la collaboration à tous les échelons.
Déjà, les concepteurs et conceptrices, dont ceux et celles d’Architecture49, repoussent les limites de ces concepts et s’efforcent d’accroître leurs capacités à penser au-delà de leurs propres expériences. L’idée fait encore davantage son chemin lorsque nous écoutons des personnes passionnées comme Hilary et que nous encourageons d’autres personnes à s’exprimer.

LA VOIE DU PROGRÈS S’OUVRE GRÂCE À NOTRE DIVERSITÉ
Dans le cadre d’un processus de conception, le concept de justice spatiale devrait être pris en compte au même titre que les codes, les exigences ou le concept d’accessibilité. « Pendant la conception d’un projet, j’essaie de m’imaginer à la place des gens pour évaluer comment ils pourraient se sentir dans l’espace et quelles pourraient être leurs principales préoccupations. Quelles expériences négatives pourraient-ils vivre et comment nous pouvons, en tant que concepteurs et conceptrices, les aider et limiter les situations dangereuses ou inconfortables. Le fait d’avoir dans notre entourage des personnes qui ont vécu ces expériences nous aide beaucoup », a expliqué Hilary.
La diversité des voix est une des plus grandes forces d’A49. Les membres de notre équipe nationale ont vécu tout un éventail d’expériences différentes, ce qui enrichit le processus créatif et donne vie à des environnements bien pensés et plus inclusifs et efficaces. En tirant parti de perspectives diversifiées, les concepteurs et conceptrices peuvent créer des espaces qui répondent mieux aux besoins de tout le monde et favorisent la sécurité, le bien-être, l’innovation et la créativité. Cette approche contribue à bâtir des communautés plus résilientes, inclusives et capables de s’adapter.
Lors d’événements comme la Journée internationale des femmes, nous célébrons ce privilège que nous avons de pouvoir concevoir le changement et le progrès. Conformément au thème de cette année, Accélérer l’action, nous nous efforçons de repousser de plus en plus les limites de nos propres expériences et de collaborer en tant qu’équipe diversifiée et inclusive afin de contribuer toujours plus à l’atteinte d’un objectif mondial réalisable, soit celui d’éliminer les obstacles systémiques.
